L’histoire mise en avant est surtout celle du terroir et de l’artisanat marocain. Lilou de la Fée explique la confection des tissus comme étant fait à la main et le caftan en lui même est confectionné par de multiples artisans spécialisés. Tous travaillent dans des ateliers au Maroc (ceux chez qui elle s’approvisionne).
Bien que le mariage soit aussi un événement religieux, dans le sens où des aspects religieux se lient à ces cérémonies ( on fait appel à un Imam, la cérémonie a lieu dans une mosquée) mais il est réducteur de définir cette tenue comme religieuse, car ce n’en est pas un à l’origine et même aujourd’hui c’est avant tout un vêtement festif et démonstratif.
Mais Jade utilisait le mot de “Baby Shower” pour la cérémonie de naissance, appellation qui semble non religieuse et disait que le caftan y était également porté.
« Le mélange réussi entre la tradition et modernité » titre un article de Angela Janson à propos du caftan. Celui-ci représente le Maroc par ses traditions mais celles-ci ne sont pas présentées comme arriérées. Le caftan est dans une continuité culturelle, il s’adapte parfaitement aux enjeux du monde contemporain, du 21ème siècle.
Plus globalement, le mariage marocain est soumis aussi à sa marchandisation comme les mariages occidentaux avec les wedding planner. Cela développeme le marché du “mariage” et de sa consommation. Le discours porté sur le caftan devient encore plus fort. Les réseaux sociaux sont un véritable support narratif, présentant alors de le caftan comme traditionnel artisanal etc…. L’enjeu culturel est devenu un élément marketing puissant.
Nous avons vu plus haut que le marché du mariage “marocains’ était développé en France, notamment aux travers d’entrepreneur.e.s originaire du Maroc ou avec de la famille originaire du Maroc. C’est aussi que la demande s’est développée en France suite aux vagues d’immigrations qui suivent la fin de la seconde guerre mondiale. Il y a un marché du mariage « à la marocaine » assez récent en France. C’est devenu un service et un business au même titre que les mariages « traditionnels occidentaux ».
Le fait qu’il y ait des robes de mariées européennes dans leur boutique n’est pas anodin non plus. Et la vendeuse de La Fée du Caftan, elle ne s’est jamais positionnée comme une experte du mariage « à la marocaine », encore moins comme une gardienne des traditions. Par contre le produit, lui, est typiquement marocain, a été confectionné là bas par des artisans, c’est le caftan marocain qui s’est diffusé partout dans le monde, c’est leur patrimoine. Ce qui signifie qu’elles sont d’abord vendeuses d’un bien (caftan) ou d’un service (Negafa) avant d’être gardiennes de la tradition ou représentante d’une culture. Il y a cette ambiguïté dans le fait d’avoir et le rôle d’entrepreneur et celui de “gardienne de la tradition”. Le fait est qu’aucunes des vendeuses avec lesquelles nous nous sommes entretenues ne se sont présentées comme des gardiennes de la tradition. Bien qu’elles se soient présentées comme Negafa (J. “nous sommes aussi des Negafa, ce qui veut dire que nous accompagnons également la mariée pendant le mariage, la coiffons etc…”). Ici Jade ne fait pas du tout le lien entre Negafa et ce rôle de gardienne, Negafa nous a été présenté comme un service en plus de la vente. Ce n’est qu’après lors de nos recherches bibliographique que nous avons trouvé ce sens de “gardienne” dans la profession de Negafa. .
L’analyse du discours et du comportement de la commerçante nous montre que la tradition est devenu un business et au même titre que le mariage est une industrie. Pour aller plus le mariage marocain est comme une mise en scène d’un style ethnique, qui porte à croire que celles et ceux qui l’organisent, sont les architectes et logisticien-ne-s de l’événement, exercent dans le secteur de « l’entrepreneuriat ethnique ».
Concernant l’appropriation culturelle : Le caftan repris par des marques et des couturiers européens n’as pas du tout gêné l’une comme l’autre des commerçantes. Mais comme ce sont des commerçantes, il est probable qu’il soit plus intéressant d’élargir sa clientèle plutôt que de se préoccuper de l’acculturation. Et surtout elles étaient aussi honorées par cette reprise du caftan marocain, qui est devenue une “tenue du monde”.
L’autre point que nous pouvons soulever c’est la fierté que le caftan marocain dégage en étant exporté à l’international, devenu une tenue de soirée mondaine, d’art et de mode partout dans le monde.
On l’a notamment remarqué avec la passion avec laquelle nous parlait les deux vendeuses des caftans de luxe, (Jade nous montrait des photos et Lilou nous parlait souvent de caftan de luxe, comme ceux de la princesse du Maroc)
Un dernier point est à souligner à propos du discours des vendeuses. En effet, lorsque nous avons parlé à Lilou d’être allé chez Loubna Keswa, elle a eu une réaction assez étrange. Mais elle feignait la bonne entente. Sur la questions de la concurrence, à chaque fois elle a été survolé par tout.es les commerçantes, comme quoi tout se passait pour le mieux entre les boutiques.